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Les autodafés existent encore

Qui n'a pas vu sur les tables de la Fnac, courant octobre, le nouveau livre de la ministre Marlène Schiappa ? Il était partout. Dès l'entrée du magasin, en tête de gondole formant des piles de dizaines de Sa façon d’être à moi, puis dans chaque rayon, les petits romans couleur menthe à l'eau étaient fièrement rangés. Le livre a été tiré à pas moins de 6 000 exemplaires – selon les chiffres de l’institut GfK - alors quelle surprise, quand on s'aperçoit que le titre n'a pas dépassé les 64 d'exemplaires vendus... dans toute la France. Six mois, plus tard, il a disparu des radars. Il ne trône plus sur les étals des libraires. Mais où sont passés les 5 936 ouvrages Sa façon d’être à moi invendus ? Au pilon. Un mot barbare pour désigner la poubelle de recyclage.

 

Oui, on achève bien des ouvrages. Et pas qu'un peu. Près d'un livre sur quatre est détruit. Sans jamais avoir été lu. Les livres sacro-saints objets détenteurs du savoir, de la connaissance, de nos plus belles émotions, les mettre aux ordures ? Impensable. Pourtant, cela peut représenter jusqu'à 50% voire 80%* pour certains romans de la rentrée littéraire. Cet épouvantable autodafé n'a pas bonne réputation. Sujet tabou. Editeurs et distributeurs n'emploient ce terme qu'entre deux murmures, secret inavouable et bien gardé des maisons d'édition. Odieux et inimaginable gâchis culturel. On jette des œuvres, on balance délibérément du savoir.

 

*chiffre du Bureau d'analyse sociétale pour l'information citoyenne (BASIC).

 

Le pilon est la destruction des exemplaires d'un ouvrage. Il est réalisé à la demande de l'éditeur. On a tous déjà vu des images de bennes des supermarchés, remplis de denrées alimentaires ou objets en tout genre, mais on ne voit jamais de bennes de livres. Pourtant le même processus existe bel et bien. Les livres ont beau avoir un caractère semi-sacré, ils n'échappent pas à l'obsolescence programmée de notre société de consommation. Sujet touchy, les chiffres ne sont pas publics. Difficiles donc d'estimer précisément le nombre d'ouvrages qui subit ce terrible sort.

La commission Environnement et Fabrication du SNE (Syndicat national de l’édition) a dévoilé par une étude sur trois ans que 13,2 % de toute la production littéraire est détruite. Un chiffre impressionnant, bien qu'en dessous des estimations du Bureau d'analyse sociétale pour l'information citoyenne qui optait plutôt pour un quart des ouvrages.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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